Des hommes grenouilles en
scaphandre, des machines de siège étonnantes et des bastons à mort entre
couples pour régler les conflits, c’est ça la magie du Moyen Âge !
Préparez-vous, je vous embarque chez les Germains au XVe siècle, à la toute fin de la période médiévale. En ce temps là, le Saint-Empire romain germanique
gouverné par la dynastie des Habsbourg est en rivalité avec son
voisinage, notamment la Confédération Suisse, mais aussi les Hongrois,
les Bourguignons et les Ottomans… Il y a de la tension comme on dit !
D’ailleurs, c’est dans ce contexte de concurrence géopolitique
qu’apparaît la devise de la Maison des Habsbourg, dont on se souvient
sous le fameux monogramme A.E.I.O.U « Austriae est imperare orbi universo », que je traduis pour les non-latinistes : « Il appartient à l’Autriche de gouverner le monde ». Malheureusement pour eux, ça ne l’a pas fait…
Parmi le bon peuple germain il est un
homme que ces tensions politiques préoccupent, un homme du métier, un
maître d’armes plus précisément, c’est Hans Talhoffer (1420?-1490?).
En plus d’être célèbre dans tout le pays pour ses qualités
pédagogiques, il a aussi la réputation d’être imbattable. Bref, c’est
une sommité, il est LA référence en matière de combat rapproché ! Mais
si Hans demeure encore connu aujourd’hui, c’est parce qu’iI est l’auteur
de traités techniques relatifs aux arts du combat. Richement illustrés,
ces manuels de combats (Fechtbücher) abordent les
diverses techniques connues, avec une grande variété d’armes et en
décrivant précisément les mouvements spécifiques propres à chacune
d’entre elles. Son oeuvre didactique est constituée d’un ensemble de trois volumes écrits
en Souabe, un dialecte germanique, contenant principalement des
gravures qu’il a lui même réalisées ; un premier volume datant de 1443, un second de 1459 (qui fut le premier à être édité) et le dernier de 1467.
Les planches les plus intéressantes et les plus rocambolesques se
trouvent dans les manuscrits de 1459 et de 1467, aussi mes illustrations
proviennent principalement de ces deux volumes, mais je vous laisse le
loisir d’aller explorer les trois, il suffit de cliquer :
- Le Talhoffer Fechtbuch (MS Chart.A.558) de 1443.
- Le Thott 290 2° – Alte Armatur und Ringkunst de 1459.
- Le Talhoffer Fechtbuch (Cod.icon. 394a) de 1467.
Tel des guides de Self-Defense, ces manuscrits enseignent des techniques infaillibles pour neutraliser, désarmer puis pulvériser son adversaire ; et ceci à pied, à cheval et en voiture,
enfin presque ! Lisez-les, et vous saurez comment exploiter les forces
et faiblesses de vos ennemis, manipuler une quantité d’armes (bâton,
hache, dague, épée longue, sabre, lance de cavalerie, pique, épieux de
chasse, bouclier et j’en passe…) tant de façon offensive que défensive.
Car l’utilité principale de l’oeuvre de Talhoffer c’est l’apprentissage
du combat dans le cadre de la confrontation judiciaire.
Les duels judiciaires
Au Moyen Âge la justice seigneuriale accordait – aux nobles et aux chevaliers principalement – le droit de s’en remettre au jugement divin pour trancher en cas de litige entre deux personnes. Lorsqu’aucun des partis n’a avoué sa faute et qu’il n’y a ni preuve ni témoin, il ne reste plus que Dieu – entité omnisciente par excellence – pour désigner le coupable. Ces duels font ainsi partie du processus judiciaire qu’on a appelé (seulement à partir du XIXe siècle) l’ordalie, le jugement de Dieu. Petit point sur l’ordalie : Vous connaissez déjà l’ordalie dite par l’eau froide, qu’on a beaucoup réservé aux individus soupçonnées de sorcellerie. Elle consiste à plonger un pauvre bougre pieds et mains liés dans une rivière ou un bassin préalablement béni par un prêtre ; dans certains cas il était même lesté avec des pierres. Le principe est simple : ceux qui flottent sont coupables, ceux qui sombrent sous les eaux sont innocents… Enfin ÉTAIENT innocents, puisque bien souvent ils ne parviennent pas à regagner la surface tous ligotés qu’ils sont. Ça se passait comme ça… Après l’ordalie par le fer rouge, par l’eau bouillante et par le feu que je vous laisse vous figurer tout seul, il y a quand même une ordalie marrante, celle de la croix. Instituée par Charlemagne et toujours pratiquée à Koh Lanta, l’ordalie de la croix impose aux accusés de demeurer debout, les bras en croix, le plus longuement possible. Le premier qui baisse les bras a perdu, et c’est lui le coupable ! Mais je m’égare… revenons à Talhoffer et aux duels judiciaires, parce que pour le coup, ça ne plaisante pas. Les duels judiciaires se déroulent en champ clos, et ne s’arrêtent qu’en même temps que le coeur de l’un des deux participants.
Ainsi donc, laissez-moi vous présenter quelques belles figures avec mon TOP 10 TALHOFFER !
1 – À commencer par une prise de catch en armure, Hulk Hogan n’a qu’à bien se tenir !
2 – Où l’on apprend comment planter sa dague dans les rares interstices de l’armure.
3 – Dans le chapitre consacré au combat à l’aide du bouclier germanique, on trouve également cette magnifique prise de ninja.
4 – Vous vous demandiez à quoi sert l’extrémité pointue de ce type de bouclier ? Aïe…
5 – Il y a aussi cette prise qui, hors
contexte, laisserait penser à une étreinte lascive, alors que ces deux
messieurs sont en lutte totale…
6 – De même que cette charmante accolade
qui n’est rien d’autre qu’un puissant moyen de faire tomber son
adversaire de sa monture !
J’interromps ici mon décompte si vous le
voulez bien, car il faut que je vous informe de quelque chose. Si les
planches que nous venons d’évoquer représentent bien des hommes, les
duels judiciaires ne sont pour autant pas exclusivement masculins ! En
effet, en cas de conflit entre un homme et une femme,
notamment les conflits de couples, les intéressés pouvaient également
recourir au duel judiciaire. Dans ces cas là, la force et la mobilité du
damoiseau sont réduites dans un but d’équité avec la donzelle. Ainsi,
dès le début du combat, l’homme est placé dans un trou creusé dans le sol.
Je ne saurais vous dire si l’arbitre avait le droit d’assouplir les
règles dans le cas d’une confrontation entre un maigrichon et une
Brienne de Torth… Toujours est-il que Hans a immortalisé cette pratique
dans ses manuscrits de 1459 et 1467, au travers de planches assez rares
dans l’iconographie médiévale et que je trouve si merveilleusement
dessinées que je vais tricher, je vais vous en coller deux à la fois !
Ainsi, l’homme est coincé dans son trou,
comme nous l’avons dit. Dans une certaine mesure, cela protège aussi la
partie inférieure de son corps. Madame, il va falloir l’en tirer…
7 – D’une manière…ou d’une autre !
8 – Elle tente de le neutraliser mais Haaa… il la retourne comme une crêpe !
9 – Qu’à cela ne tienne, Madame y va franco et le saisit par les bourses ! Ouch.
Finalement, elle le terrasse, Houra !
Enfin, c’est sur cette planche-ci que s’achève le duel entre l’homme et la femme du manuscrit de 1467. Par contre, dans le manuscrit de 1459, ça fini plutôt mal pour la demoiselle, les curieux iront voir…
Enfin, c’est sur cette planche-ci que s’achève le duel entre l’homme et la femme du manuscrit de 1467. Par contre, dans le manuscrit de 1459, ça fini plutôt mal pour la demoiselle, les curieux iront voir…
10 – Enfin, à l’issu du combat, il y a le
gagnant qui remercie le ciel d’avoir échappé à la mort et le perdant
qui repart avec son ultime cadeau, un joli brancard…
Zoom sur le petit diablotin achevant le travail en soustrayant l’âme de notre macabé…
Ceci pour dire que je reste admirative du
trait de crayon impeccable de Hans, qui traduit sa grande connaissance
du corps et de sa mobilité. Une chose est sûre, Hans est rodé en matière
de duels judiciaires, c’est un expert, on lui a d’ailleurs confié
l’arbitrage de plusieurs d’entre eux. Mais ce n’est pas tout ! Avant de
vous quitter, Hans a encore quelques petites merveilles de technologie
médiévale à vous présenter, de quoi vous épater…
Talhoffer, inventeur de génie ou grand rêveur ?
Un peu avant Léonard de Vinci (1452-1519), Hans est l’inventeur de nombreuses technologies militaires, d’engins de siège, de machines de guerre et autres fabrications insolites destinées, entre autre, à assurer la sécurité des forteresses médiévales. On ne sait pas précisément si ces inventions ont été mises en pratiques ou si elles sont restées à l’état de schéma. De même, on ne sait pas si Hans détient la paternité de toutes les inventions qu’il répertorie puisque l’on sait qu’un certain nombre d’entre elles sont des copies des travaux de l’ingénieux Konrad Kyeser, tirés de son ouvrage Bellifortis datant du siècle précédant. Aussi, on ne peut pas catégoriquement affirmer que les inventions saugrenues que je vais vous présenter sont celles de Hans ou d’un de ses prédécesseurs. Outre les grappins, échelles et autres béliers, Hans a catalogué des objets indispensables pour défendre votre forteresse ou votre logis en cas de siège.
Un peu avant Léonard de Vinci (1452-1519), Hans est l’inventeur de nombreuses technologies militaires, d’engins de siège, de machines de guerre et autres fabrications insolites destinées, entre autre, à assurer la sécurité des forteresses médiévales. On ne sait pas précisément si ces inventions ont été mises en pratiques ou si elles sont restées à l’état de schéma. De même, on ne sait pas si Hans détient la paternité de toutes les inventions qu’il répertorie puisque l’on sait qu’un certain nombre d’entre elles sont des copies des travaux de l’ingénieux Konrad Kyeser, tirés de son ouvrage Bellifortis datant du siècle précédant. Aussi, on ne peut pas catégoriquement affirmer que les inventions saugrenues que je vais vous présenter sont celles de Hans ou d’un de ses prédécesseurs. Outre les grappins, échelles et autres béliers, Hans a catalogué des objets indispensables pour défendre votre forteresse ou votre logis en cas de siège.
Telle cette brouette à picots…
À gauche, nous avons des espèces de
boucliers « méga-couvrants » (car si c’est une cape d’invisibilité c’est
raté, et ce n’est pas non plus des petites tentes pour s’encanailler
entre soldats…) permettant à des fantassins d’avancer jusqu’au mur
d’enceinte de la forteresse sans être la cible des flèches et autres
projectiles. À droite, il s’emblerait que d’énormes coussins géants et
moelleux suffisent à bloquer l’entrée de la forteresse, si si !
Mais, attention les yeux, car il y a
aussi un super canon, d’une puissance de feu non négligeable puisqu’il
peut tirer jusqu’à six boulets.
Et puis surtout, un homme grenouille ou
une sorte de scaphandrier… Hans était-il un visionnaire ? Pour votre
information, c’est seulement trois siècles plus tard, en 1715, que le dénommé Pierre Rémy de Beaune met au point le premier scaphandre à casque ! On est donc en pleine science-fiction…
Un principe apparement assez
spectaculaire puisqu’il marcherait tout aussi bien sans combinaison,
avec juste une sorte de tuba. Imaginez tout de même qu’à la surface,
pendant ce temps-là, il y a des Shadoks qui pompent !
J’espère vous avoir donné un nouvel
exemple du fabuleux et du merveilleux dont regorgent nos vieux
manuscrits et vous avoir incité à aller vous-même les explorer… Quelques
unes des inventions présentées ici ont été récemment fabriquées
afin d’être testées dans le cadre d’un reportage de la chaine National Geographic
qui a le très vilain défaut de ne pas citer ses sources…
Néanmoins certains résultats sont étonnants, la vidéo se trouve en
biblio !
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